EXTRAIT
1945LE COLPORTEUR
Extrait de Louis-François Grenier
Willy entre dans la chambre d’hôtel.
(…)
Ça cogne à la porte. Il ouvre. Une religieuse entre en trombe dans la chambre, lance sa petite valise et se jette à son cou.
LUCIENNE
Ça y est, je l’ai fait.
Elle l’embrasse.
WILLY
Fait quoi?
LUCIENNE comme une évidence
J’ai quitté le couvent!
Elle l’embrasse de nouveau. Il est figé.
WILLY
Vous êtes qui vous?
LUCIENNE
Mais voyons Willy, c’est moi Lucienne. Celle dont les « yeux brillent comme des soleils qui illuminent votre journée »…
WILLY
Je veux pas vous faire de peine ma sœur, mais je dis ça à pas mal toutes les petites madames que je rencontre.
Elle le gifle, puis le reprend dans ses bras.
LUCIENNE
Mais oui, mais moi, vous m’avez dit que mon parfum vous faisait penser au plus merveilleux des champs de fleurs.
WILLY respirant son cou
C’est vrai que vous sentez bon comme un comptoir de confiseries, mais vous auriez senti le fond de bécosse que j’aurais dit la même chose, c’est dans le manuel.
Elle recule.
LUCIENNE
Le manuel?
Willy fouille dans sa valise et il sort un vieux cahier noir.
WILLY
Regardez ici. Les étapes à suivre pour tout bon vendeur de brosses de Labrosse and sons incorporated, celles qui ne vous laissent jamais de mauvais poil! Un beau bonjour bien senti, et juste ici…
LUCIENNE
Utilisez des images qui font rêver toute bonne ménagère sans éducation, telles que « vos yeux brillent comme des soleils ».
WILLY
Oui, le qui illuminent la journée c’est mon idée. Pas mal non? Juste ici en bas, c’est le bout du parfum.
LUCIENNE
Temps. Alors vous m’aimez pas?
WILLY
J’ai pas dit ça là, mais je suis un homme marié. Regardez, j’ai mon jonc. Montrant la photo. Pis ma femme est juste là.
LUCIENNE
Oh mon Dieu!
WILLY
Je sais.
LUCIENNE
Jésus Marie Joseph… est ben laitte!
WILLY
Je viens de Roxton, y’en pas grand pétards dans ce boutte-là. Pis avec la conscription qui arrivait, j’ai pris la première qui passait.